Traité d'athéologie, Michel ONFRAY

Publié le par capucine

DELACROIX Lutte de Jacob avec l'Ange




A première vue, rien ne semble justifier l’écriture d’un pamphlet tel que le Traité d’athéologie dans notre monde occidental déchristianisé. La quidame moyenne pense, devant la couverture choisie par Grasset (un détail du Jacob luttant avec l’Ange de Delacroix), et le titre pour le moins polémique  de cet essai, que cette fois Michel se trompe de combat. Qu’il est inutile au XXIème siècle de « pourfendre la calotte », et que les Églises vides tous les dimanches, ou pire (mieux ?), pleines de têtes branlantes elles-mêmes emplies de la peur de la mort, suffisent à frapper du sceau de l’inutilité son entreprise de construction théorique d’un « athéisme argumenté, construit, solide et militant ».

 

Mais voilà : on emprunte quand même l’ouvrage, et même on lit sa Préface, et puis son Introduction, et si on a le courage d’aller jusqu’au bout, on comprend vite que Michel, malheureusement, ne se trompe pas.

 

En effet, son essai répond bien à ce qu’annonce la quatrième de couverture : après une brève histoire de l’ « athéologie » qui met en évidence sa relégation aux oubliettes de la pensée ainsi que les dangereuses dérives de « l’athéisme chrétien », la deuxième partie consacrée aux trois grands monothéismes a de quoi faire frémir.

Même un(e) athée spiritualiste ne peut nier la caractère inquiétant des faits cités, puisque ce sont des faits « livresques » : l’analyse que livre le philosophe des textes sacrés, pour partiale et militante qu’elle soit, semble irréfutable : la religion comme dogme et comme institution pose en principe la haine du corps. Cette partie aura le mérite, si elle ne convainc pas les plus modérés, de les pousser à lire ou relire attentivement les trois livres « saints » d’un œil critique, historique, philosophique, et le crayon à la main.

La troisième partie est consacrée exclusivement au christianisme, avec une mention spéciale pour Saint Paul, responsable selon Onfray de la « névrose » judéo-chrétienne du monde. Une lecture psychanalytique des Épîtres, au chapitre II, fort revigorante par ailleurs, aura le don d’irriter les  fanatiques, et  de faire sourire (de peur ?) les autres.

Avec « Théocratie » se termine l’ouvrage, une quatrième partie qui  fait encore la part belle (si l’on peut dire) au christianisme, et démonte les mécanismes de prélèvement et de cadrage menteur qui permettent de faire dire n’importe quoi à n’importe quel texte « sacré ». Parallèlement, une étude historique des relations du pouvoir, notamment totalitaire, avec l’Église, édifiera les néophytes et peut-être aussi les connaisseurs. Une conclusion « pour une laïcité post-chrétienne » ouvre sur une perspective militante surtout hédoniste, ce qui n’est pas une surprise pour ceux qui connaissent les autres ouvrages de l’auteur.

 

 

Terminons par un  éloge de la bibliographie, qui comme toujours (?) avec Michel Onfray, prend une forme bien pédagogique : organisée, abondamment commentée, elle permet au néophyte de s’orienter dans la jungle des éditions des textes sacrés par exemple, afin de se construire un jugement personnel solide,  tout comme au spécialiste de prendre conscience des « vides universitaires » dans l’histoire de la pensée athée, ce qui laisse songeur, ou plutôt réflexif.

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A
<br /> Je retiendrai surtout la première phrase de l'article... Déplorons  certaines formules de Onfray, du style "le goût musulman du sang"... Tournons-nous vers certains mystiques (Rûmi, Abd El<br /> Kader, Gazhali...) qui sauront apaiser le rapport à Dieu et calmer les ardeurs de certains contempteurs. La religion est une aberration, soit : évacuer le ritualisme, en finir avec les théocraties,<br /> ok. Mais lorsque Mr. Onfray se fixe sur les "arrière-mondes", sur le "réel inversé", il élude tout un pan des spiritualités, et non le moindre, qui s'arrange tout à fait avec le réel et qui<br /> d'ailleurs ne parle que du hic et nunc. Qu'il se penche un moment sur l'Advaita des Hindous, sur le Zen, et même sur la poésie des mystiques chrétiens et soufis, et qu'il revoie sa copie.<br /> Certes, le bouquin est bien foutu, mais je déplore juste un manque d'intérêt pour certains aspects des spiritualités, trop rapidement passés à la trappe à mon avis.<br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> Il revigorant pour un athée viscérale, anti clérical farouche, mais totalement tolérant vis à vis de ceux qui ont une foi, si elle n'est pas prosélyte de voir que le traité d'athéologie<br /> enthousiasme encore; moi qui craignait être parmi les dynosaures qu'on ne trouve plus que chez quelques libre penseurs!!! j'ai l'impression d'avoir 20 ans de moins ...<br /> <br /> <br /> <br />
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