La tyrannie de la réalité

"Peu d'idées sont autant galvaudées aujourd'hui que celle de "réalité". Hommes politiques, chefs d'entreprise, mais aussi économistes, romanciers s'en réclament : seul le réalisme semble recevable, et il suffit à tout justifier. La réalité constitue désormais, dans notre mentalité collective, la seule valeur étalon. Elle est le nouveau dieu que nous vénérons ; le dernier qui reste en magasin, peut être."

Mona Chollet nous livre ici un essai sur la manipulation des consciences et la nécessité du rêve. Elle pointe surtout l'usage pernicieux du concept de réalité dans tous types de discours, et met à nu l'idéologie de la souffrance véhiculée par ceux qui agitent une "réalité" dure, froide et sans espoir comme un épouvantail... Usant de multiples ressources (sociologie, psychologie, histoire, littérature et bien d'autres encore), ce qui ne va pas sans quelque arbitraire parfois et même pétitions de principe, son raisonnement vaut une lecure attentive, ne serait-ce que par le champ de possibles qu'il ouvre : une lecture stimulante pour tous ceux qui veulent résister à la fatigue d'être que semble nous imposer le monde...

Les réflexions sur le monde du travail, effarantes et bien documentées, suffiraient à elles seules à justifier un détour par cet ouvrage, mais il n'en est pas pour autant une apologie de l'apathie, du rêve (voir la digression sur la nécessaire alternace animus/anima pp.42-45).

En exergue : "Pour gagner quelques idées, il faut aimer beaucoup les chimères" (BACHELARD)